Espaces ruraux et recours aux soins, étude des déterminants de l’accès aux soins pédiatriques en Bourgogne centrale
Contexte
Au cours d’une étude menée à partir des données du PMSI-MCO relatives aux accouchements et aux naissances 2012-2014, il a été montré que les taux de réhospitalisations précoces des nouveau-nés et d’hospitalisations dans la première année de vie, en particulier pour diarrhée, bronchiolite, traumatismes ou accident, sont d’autant moins élevés que le code géographique PMSI de résidence est plus éloigné d’une maternité. Il en va de même du taux de mortalité hospitalière post-néonatale (J28-J365) alors que le taux de mortalité néonatale hospitalière (J0-J27) lui, augmente avec la distance.
Ces résultats persistant après ajustement sur les caractéristiques individuelles, une explication pourrait être que ces taux d’hospitalisation moins élevés observés dans les territoires ruraux de Bourgogne centrale sont le produit de l’éloignement des centres de recours et, de fait, du renoncement aux soins de populations fragiles sur le plan socio-résidentiel.
Objectifs
L’objectif principal de l’étude est, pour un territoire rural isolé et pour les maladies « banales » les plus couramment hospitalisées repérées à partir des données du PMSI, d’analyser les effets de l’accessibilité géographique des structures (ville et hôpital) sur l’utilisation des services de santé, par les enfants de 0 à 17 ans ; les objectifs secondaires sont de
- décrire les services disponibles sur le territoire et sa périphérie (ville et hôpital), leur organisation et leur accessibilité,
- Évaluer l’impact des distances au service de pédiatrie le plus proche sur le choix entre hospitalisation et médecine de ville pour un panel de pathologies « banales » identifiées par leurs fréquences dans le PMSI,
- pour chaque groupe de pathologies de caractériser des « profils de trajectoires »
- comparer ces résultats à ceux obtenus pour un territoire ayant les mêmes caractéristique d’isolement géographique.
Méthodes
L’étude portera sur le territoire de Bourgogne centrale, défini à partir de 58 codes géographiques PMSI de résidence localisés selon une diagonale régionale nord-est/sud-ouest englobant des territoires ruraux et de petite montagne. La population étudiée sera celle des enfants de 0 à 17ans identifiés dans les données du PMSI et du SNDS. Les pathologies, recours aux soins et traitements seront repérés à partir des diagnostics CIM10, des actes CCAM et des codes CIP des médicaments. Les fréquences des pathologies seront calculées pour différentes tranche d’âges (moins de 1 an, 1-2 ans [crèche], 3-5 ans [maternelle], 6-10 ans [primaire], 11-14 ans [collège], 15-17ans [lycée]).
Différentes variables contextuelles seront étudiées (distances aux services de soins, typologie rural/urbain, score de précarité) au moyen de régressions de type GEE. Une analyse des correspondances multiples (ACM) sera réalisée pour établir les différents profils de trajectoires identifiés chez les patients.
Perspectives envisagées
Selon l’hypothèse faite que, pour les pathologies « banales », la corrélation négative observée entre le taux d’hospitalisations et la distance à un service de pédiatrie est due à des difficultés d’accès géographique aux services hospitaliers, les analyses spatiales des taux d’hospitalisations devraient mettre en évidence des zones plus à risque que d’autres de renoncement aux soins hospitaliers en Bourgogne centrale. On pourra alors vérifier s’il existe au sein du territoire d’étude une dichotomie rural/urbain de renoncement aux soins en défaveur des zones rurales versus les petits centres urbains de 10 000 habitants ou plus.
Pour ces zones, soit le recours aux soins de ville compense le déficit de recours à l’hôpital, soit les taux de prises en charge ambulatoires ne compensent pas le déficit d’hospitalisations. Dans ce dernier cas, l’hypothèse la plus probable est qu’il existe un renoncement aux soins de ville du fait de l’éloignement ou de l’absence d’un médecin généraliste disponible. En comparant la carte des taux d’hospitalisation et celle des taux de recours aux soins de ville, on sera en mesure de visualiser les zones déficitaires en matière de soins pédiatriques. Ces difficultés d’accès, voire de renoncement à des soins pédiatriques peuvent poser de réels problèmes en termes de résultats de santé qu’il sera nécessaire de mesurer par des enquêtes longitudinales.
Coordinatrice :
Catherine QUANTIN, CIC 1432, CHU Dijon
Résultats préliminaires
L’objectif principal de l’étude était d’analyser, à partir des données 2012-2017 du PMSI, les effets de l’allongement des temps de trajet aux structures MCO sur les risques d’hospitalisation pour des pathologies communes chez les enfants de 1 à 17 ans domiciliés dans les 4 départements bourguignons.
Résultats Nous avons extrait des bases PMSI 2012-2017 198 828 RSA toutes CMD confondues. Les enfants, au nombre de 139 399, ont été repérés à partir de leur numéro d’anonymisation : 55,7% (77 610) étaient des garçons et 44,3% (61 789) des filles. Pour sélectionner les pathologies, nous avons effectué des regroupements cliniquement cohérents à partir des GHM et des diagnostics CIM10 des RSA. Ceux-ci ont été rapportés, par âge et sexe, à la population des codes géographiques (données INSEE RGP2014). L’analyse de l’effet de la distance/temps a été faite sur tous les regroupements au moyen d’analyses multivariées de type GEE avec une fonction log et une distribution binomiale négative de manière à prendre en compte la corrélation des données (départements, codes géographiques et années) ainsi que leur surdispersion [ajustement âge (5 classes), sexe, département, Bourgogne centrale* [oui/non]). *Voir carte ci-dessous.
Temps d’accès aux établissements MCO On retrouve des risques relatifs ajustés (RRa) <1 pour 27 des 47 regroupements de GHM ou de codes CIM10 étudiés. Pour 22 regroupements, il existe une diminution du risque d’hospitalisation à partir de 16 minutes avec un gradient négatif en fonction de la distance et pour les 5 autres un (RRa) <1 à partir de 31 minutes. Ces regroupements concernent les mêmes pathologies que celles repérées au niveau national pour les enfants de moins de 1an étudiés antérieurement (Figure ci-dessus).
Le département de domicile influence le risque d’hospitalisation pour pratiquement toutes les pathologies. Par rapport à la Côte d’Or qui est le département de référence, ce risque peut être augmenté ou diminué sans qu’il y ait de systématisme. Il y a cependant deux exceptions:
- les grossesses chez les mineures : sauf pour les grossesses extra-utérines (GEU), les RRa pour la Nièvre et l’Yonne sont significativement >1 par rapport à la Côte d’Or Les résultats pour la Saône-et-Loire sont moins significatifs mais positifs et en limite de signification pour les IVG.
- les dysfonctionnements ovariens ou testiculaires et les pubertés précoces (CIM10 E28-E30). Le risque en côte d’Or y est significativement plus élevé que dans les 3 autres départements. Les taux ajustés sur l’âge et le sexe enregistrés dans le PMSI sont de 0,46‰ en Côte d’Or, 0,24‰ dans la Nièvre, 0,20‰ en Saône-et-Loire et 0.30‰ dans l’Yonne. (Carte ci-dessous)
Conclusion Concernant les RRa observés<1, l’hypothèse la plus probable est qu’il existe une difficulté d’accès aux services hospitaliers. En dehors des déserts médicaux, on devrait observer, pour chaque pathologie étudiée, dans les données SNDS, une augmentation des soins de ville, sauf en cas de renoncement aux soins.